Orazio Riminaldi << Retour

Orazio RIMINALDI
(Pise, 1593-1630)

Le Roi Clovis.
Vers 1625.
Huile sur toile. 134 x 98 cm.

Provenance : Collection privée, France.

Cette belle image du roi Clovis est évidemment inhabituelle pour l’Italie et ce choix iconographique est sans doute le fait d’un commanditaire de nationalité française présent à Rome durant la troisième décennie du XVIIème siècle. L’identité de Clovis est indiquée de manière irréfutable – en plus de la hache, qui désigne le roi barbare – par le vase représenté à droite, sur lequel le personnage pose sa main. Il s’agit en effet du vase de Soissons, qui symbolise le rapprochement du roi mérovingien païen et du clergé catholique. De fait en 486, après la guerre victorieuse qui se termina justement par la bataille de Soissons et qui permit au jeune Clovis d’étendre sa domination à toute la Gaule septentrionale, Rémi, évêque de Reims, demanda au souverain de restituer le vase dérobé à une église de la ville.
Ce vase faisait partie du butin de guerre et le roi promit à l’évêque sa restitution, à condition que l’assemblée des guerriers le lui ait préalablement accordé lors du partage ; Clovis demanda expressément le vase, et l’assemblée accepta, soulignant par ce consentement la reconnaissance de son autorité suprême sur les autres combattants francs. Un des guerriers cependant s’y opposa, rappelant l’usage du tirage au sort des biens du butin, et donc l’égalité de tous les combattants. Le souverain dut se soumettre, mais l’année suivante, devant toute l’armée réunie, Clovis se vengea cruellement du guerrier rebelle, le tuant et inspirant une grande terreur à l’assistance qui eut ainsi la démonstration du pouvoir du roi sur eux tous, nobles guerriers. Déjà après la victoire de Soissons le clergé catholique avait soutenu Clovis, devenant pour lui un allié fondamental ; le roi, de son côté, se fera baptiser par Rémi à Reims en 496 (ou 498, l’année n’étant pas certaine).

Comme je le disais au début, la rareté en Italie du sujet représenté ne doit pourtant pas nous porter à croire qu’il s’agisse de l’œuvre d’un artiste français, même si l’hypothèse pourrait sembler envisageable. Le choix du sujet dut être entièrement le fait du commanditaire, probablement transalpin ou pour le moins étroitement lié à la France et au milieu ecclésiastique, car les caractères stylistiques du tableau désignent Orazio Riminaldi comme son auteur ; il dut le peindre dans les années de maturité de son séjour romain, c’est-à-dire autour de 1625, étant donné les affinités que ce Clovis montre déjà avec l’œuvre de Simon Vouet, artiste que le pisan côtoya durant ces années-là.
La reconnaissance de la paternité de Riminaldi s’appuie surtout – en plus du chromatisme, un peu humide, luisant, aux tonalités affaiblies et profondes, correspondant parfaitement à ce que l’on peut voir dans les tableaux d’Orazio – sur les caractéristiques stylistiques du visage de Clovis, avec ses rehauts de lumière, utilisant des touches de céruse sur l’arête du nez et les paupières, qui rendent la peau dense et chatoyante. Ces éléments se retrouvent dans le Samson de la Tribune de la cathédrale de Pise, les visages des deux personnages présentant d’indéniables analogies, mais aussi dans les épidermes brillants des protagonistes de l’Histoire d’Eurydice de la collection Bolognetti que j’ai présenté en 2006 à l’exposition d’Ariccia. La robuste main de Clovis, avec son ongle très saillant, correspond aussi à des passages similaires que l’on retrouve ailleurs dans l’œuvre de Riminaldi, par exemple dans le nu terrassé au premier plan du Samson déjà cité. Mais la comparaison certainement la plus convaincante est à faire avec le visage (dont l’inclinaison est inversement symétrique à celle de notre personnage) du saint Jacques des Saints Jacques et Antoine abbé du musée de San Rufino à Assise : le même modèle semble vraiment avoir posé pour les deux tableaux.

L’intérêt de l’artiste pour Guido Reni, et certainement aussi pour Simon Vouet, bien visible sur la bannière d’Assise (l’influence du français est particulièrement évidente sur la face A présentant le Martyre de sainte Catherine d’Alexandrie), se retrouve aussi dans notre tableau. Ce dernier doit vraisemblablement se situer dans une période proche de celle de l’œuvre ombrienne, réalisée selon toute probabilité pour Marcello Crescenzi, évêque d’Assise de 1591 à 1630. La datation de la bannière d’Assise autour de 1625, proposée par Filippo Todini, Liliana Barroero et moi-même, pourra donc être admise aussi pour le Roi Clovis ici étudié.

Gianni PAPI